Omelia nella cattedrale di Angers (domenica 23 settembre 2007)
23-09-2007

SOLENNITE DE SAINT MAURICE ET DE SES COMPAGNONS MARTYRS
PATRONS DE LA VILLE ET DU DIOCESE D’ANGERS
Angers, le 23 septembre 2007

CATHEDRALE DE NOTRE – DAME
Sap 3, 1-9; Sal 26 (27) 1-3; Ap 7, 13-17; Mt 10, 28-33

HOMELIE DE S. E. R. CARD. ANGELO SCOLA, PATRIARCHE DE VENISE

1. Le Père nous rassure
«Quant à vous, même vos cheveux sont tous comptés. Soyez donc sans crainte: vous valez bien plus que tous les moineaux du monde». Grâce au geste sacramentel de l’Eucharistie, les paroles de Jésus rejoignent aujourd’hui, le peuple d’Angers rassemblé dans cette Cathédrale pour louer la Trinité en faisant mémoire des Saints Martyrs Maurice et Compagnons, patrons de la Ville et du Diocèse, mis à mort par l’empereur Dioclétien à cause de leur foi en Christ notre Seigneur.
Ce sont des paroles qui nous réconfortent parce qu’elles portent en elles la réponse à la question des questions : « Au fond qui me rassure ? » Comment est-il possible d’éviter la crainte que notre vie soit au fond privée de consistance et destinée au néant s’il n’y avait pas Celui qui avec une douce obstination affirme que chacun de nos cheveux est compté ?
Excellence Reverendissime,
Très chers prêtres, religieuses et religieux,
Frères et s’urs,
«Les âmes des justes sont dans la main de Dieu» (Première Lecture). Nous savons que lorsque les Ecritures parlent de l’âme, elles se rapportent à tout l’homme, dans son unité duale d’âme et de corps, mais nous savons par dessus tout que les mains de Dieu ‘ que Saint Irénée identifia avec le Fils Unique et l’Esprit Saint ‘ ne s’éloignent jamais et sont toujours prêtes à nous serrer avec miséricorde.
C’est cela la source inépuisable de la confiance et de la joie qui nous parviennent grâce au magnifique témoignage de Maurice et ses compagnons.

2. Gardés pour être témoins
Nous sommes gardés: le Père avec le don de l’Esprit Saint rassure chaque disciple de son Fils. Le Père qui prend soin des plus petites de ses créatures, à plus forte raison se souciera de ses enfants. Avec la Croix glorieuse de Jésus, la grâce a acquis de manière définitive la suprématie sur le péché et sur ses conséquences: et ainsi l’espérance a vaincu la peur.
«Le Seigneur est ma lumière et mon salut: de qui aurais-je crainte?» (Psaume): c’est l’attitude du chrétien dans la vie. Il chemine heureux, joyeux même dans les épreuves les plus terribles, tout comme le juste dont nous a parlé la première lecture: «aucun tourment n’a de prise». Non parce qu’il vit dans une indifférence inhumaine, mais parce qu’il a placé son espérance dans le Seigneur qui veille sur lui.
Les chrétiens sont appelés à témoigner de cette bienveillance dans toutes situations et circonstances de la vie, quelle que soit la nature ou le niveau de difficulté ou même de souffrance que cela peut comporter.
Témoignage, martyr, comme Saint Maurice et ses compagnons. Il est nécessaire de réfléchir au fait que le martyr, comme l’a toujours considéré l’Eglise, n’est pas en soi un acte héroïque, preuve d’une capacité exceptionnelle de courage. C’est un témoignage définitif ‘ comme le dit bien l’étymologie de la parole grecque ‘ à l’unique Seigneur de notre vie. C’est un don d’amour. Une participation singulière et très profonde, octroyée par le Père, à l’unique et vrai sacrifice digne de ce nom, celui de son Fils unique, l’Innocent Crucifié par amour.
Le martyr au sens strict n’est pas donné à de nombreuses personnes. Cependant, à nous tous, baptisés, il est de notre tâche de témoigner du crucifié ressuscité dans les circonstances particulières de notre vie. Il existe donc une continuité substantielle entre le sacrifice de Saint Maurice et notre tâche quotidienne: seul le dessein de Dieu décide des modalités concrètes par lesquelles chacun est appelé à lui rendre témoignage.

3. Pour le bien du monde
Dans ce sens, il est de première importance que nous réfléchissions ensemble à quelles sont les circonstances dans lesquelles aujourd’hui, nous chrétiens européens du début du troisième millénaire, nous sommes appelés à rendre témoignage du Crucifié ressuscité.
Dans la dernière partie de son célèbre discours sur la mission qui nous est proposé aujourd’hui dans l’Evangile, Jésus exhorte les disciples à ne pas craindre ceux qui tuent le corps. Jésus met en garde les siens: «craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps». Son avertissement est d’une vive actualité pour nous qui sommes plongés dans un monde toujours plus fasciné par le pouvoir excessif des biotechnologies.
Leur pouvoir, en effet, atteint les corps, les manipulant jusqu’à des limites auparavant inimaginables. Mais aujourd’hui, on court le risque d’anesthésier les âmes. Une grande partie de la culture actuelle, plus ou moins consciemment, semble vouloir vider, dessécher et éteindre l’âme. Cependant sans la dimension spirituelle du moi qui ne peut être effacée, même la technoscience la plus sophistiquée ne peut être utile à l’homme. D’une manière analogue, la conscience, l’identité, la mémoire, en une parole l’âme de tout un peuple est exposée aujourd’hui, par de nombreux facteurs, à une progressive et mortelle action d’appauvrissement et d’anéantissement.
Et, à cause de notre tiédeur à nous, chrétiens de l’Occident riche et sceptique, la foi est réduite à une consolation psychologique face aux grands drames de la vie ou restreinte à un patrimoine de valeurs éthiques abstraites, séparées des personnes, qui inexorablement finissent plus par être proclamés que mis en oeuvre.
L’invitation de Jésus à craindre celui qui a le pouvoir de faire périr le corps et l’âme dans la géhenne est l’affirmation de la nécessité de promouvoir toute la vérité de la personne humaine. Et pour le chrétien d’aujourd’hui, il devient urgent de briser le tabou de l’âme qui semble imposé par la culture dominante. Comment ?

4. Pour une vie qui n’aura pas de fin
Si le Père nous a confié ce monde comme champ où travailler, vivre notre foi enracinés dans la réalité signifie annoncer Celui qui est la Vie. Nous sommes donc tenus à témoigner du destin de gloire auquel tout l’homme, âme et corps, est appelé. Destin qui est la participation à la vie même de la Trinité. Cela implique l’affirmation de l’irréductibilité de l’homme aux seules composantes biologiques qui conduit à la promotion de la vie de la conception jusqu’à son terme naturel.
«Aux yeux des hommes, ils subissaient un châtiment, mais par leur espérance, ils avaient déjà l’immortalité» (Première Lecture). Cette immortalité qui sera définitivement confirmée «au jour de sa visite» quand «ils resplendiront, ils étincelleront comme un feu qui court à travers la paille» (Première Lecture). Cette immortalité qui en Jésus Christ a reçu finalement son nom propre : la résurrection de la chair.
Dans la résurrection du Christ dans son vrai corps, en fait, chacun de nous peut contempler le gage de sa propre résurrection, accomplissement définitif, intégral et surabondant de tout désir d’immortalité.
Dans le passage de l’Apocalypse qui a été proclamé, Jean décrit avec une efficacité extraordinaire, utilisant pour cela des expressions extraites de la promesse de l’Ancien Testament, la condition de gloire ‘ c’est-à-dire d’accomplissement total de chaque fibre de notre humanité ‘ qui nous attend dans l’au-delà, mais de laquelle nous goûtons dès à présent les prémices. «Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, la brûlure du soleil ne les accablera plus, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur Pasteur, pur les conduire vers les eaux de la source de vie et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux» (Seconde Lecture).
La gloire du Christ Crucifié et Ressuscité resplendit et est déjà visible en germes dans l’humanité transfigurée des baptisés. Elle a façonné nos terres et donné un visage à nos peuples. Pour cela, comme nous l’a rappelé le Saint Père lors de son récent voyage en Autriche : «L’Europe ne peut pas et ne doit pas renier ses racines chrétiennes. Elles sont une composante dynamique de notre civilisation pour avancer dans le troisième millénaire. Le christianisme a profondément modelé ce continent : en rendent témoignage, dans tous les pays et particulièrement en Autriche, non seulement les nombreuses églises et les importants monastères. Mais la foi se manifeste surtout dans les innombrables personnes qu’elle a portées, au cours de l’histoire jusqu’à aujourd’hui, à une vie d’espérance, d’amour et de miséricorde» (Rencontre avec les Autorités et le Corps Diplomatique, Vienne 7 septembre 2007).
Des personnes qui tout au long de l’histoire jusqu’à aujourd’hui ont vécu et vivent une vie d’espérance, d’amour et de miséricorde : voici le lien solide qui relie la mort héroïque de Saint Maurice et Compagnons à la communauté chrétienne actuelle d’Angers.
Au commencement de l’Eucharistie, nous avons prié: «Nous voyons dans le visage de tes martyrs, Maurice et compagnons, un reflet de ton visage, Seigneur». Aujourd’hui nous en reconnaissons la compagnie consolatrice. Demandons que celle-ci investisse toute notre personne, notre Eglise et notre ville. Comme nous le suggère la sagesse antique de la Didaché: «Contemplez chaque jour le visage des saints pour trouver le réconfort dans leurs discours». Amen.